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Saint-Laurent : après la polémique, les bons d’achat pour la vaccination sont retirés

Un hypermarché de la commune de l’ouest avait lancé une opération pour offrir des bons d’achat de 5 euros à 2000 personnes vaccinées. Seulement, avec ce partenariat financier, les autorités sanitaires et le Centre hospitalier de l’ouest guyanais ont été accusés de vouloir acheter les Guyanais, y compris par des élus. Devant l’escalade de la polémique sur les réseaux sociaux, ils ont dû renoncer.

  • Par: abehary
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C'était une des recommandations du Comité scientifique territorial, réuni à la CTG ce lundi : créer un élan positif pour la vaccination contre le Covid-19. Alors l’idée avait de quoi séduire, notamment dans une région où la vaccination contre le Covid-19 a eu du mal à décoller. Depuis ce lundi, un hypermarché de Saint-Laurent du Maroni avait décidé d’offrir des bons d’achat de 5 euros à 2000 personnes vaccinées contre le Covid-19 à la sortie du centre hospitalier. Un geste initié par Jan Du, gérant du magasin, qui espérait ainsi convaincre les Saint-Laurentais de se faire vacciner. « Il n’y a plus de temps à perdre, si l’on veut protéger les plus fragiles et éviter un nouveau confinement », expliquait-il. 

Car les taux de vaccination à Saint-Laurent du Maroni et dans l’Ouest guyanais sont faibles. Et les autorités sanitaires craignent encore un ralentissement de l’élan vaccinal dans le secteur. « Nous faisons ça parce que très peu de personnes se font vacciner à Saint-Laurent. Y compris parmi mes salariés, poursuit Jan Du. Si on se fait vacciner, on s’en sortira plus vite. » L’an dernier, son supermarché, le seul de l’Ouest guyanais, avait connu un cluster parmi ses employés. « Nous avions dû fermer pendant une semaine. C’était catastrophique », se souvient-il. 

Une déferlante de commentaires sur les réseaux sociaux

Avec son opération commerciale, le chef d’entreprise Jan Du -lui-même vacciné- a relancé un débat parmi ses proches, mais aussi dans la population, sur la nécessité de la vaccination. Avec à la clef de nouveaux rendez-vous pris auprès du centre de vaccination. Mais cet élan aura été de courte durée. Car très rapidement, de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux s’interrogent sur cette pratique. « L’ARS tente-t-elle d’acheter les Guyanais réticents ? », se demandent des internautes. « L'ARS considère qu'un opérateur privé est légitime pour être impliqué dans des stratégies collectives de santé publique, s’insurge même le député Gabriel Serville. Nombre de familles guyanaises sont depuis 1 an en situation de grande précarité. Leur offrir des bons d'achats de 5 euros, est éminemment malsain puisque l'on instrumentalise leur misère plutôt que de faire appel à leur intelligence ou à leur compréhension du contexte sanitaire. »

Même son de cloche chez d’autres élus, parmi lesquels Lénaick Adam. Le député de l’Ouest guyanais a d’ailleurs réagi en expliquant qu’il avait demandé à Jan Du, patron de l’hypermarché concerné, de retirer cette campagne. Ailleurs, on voit même des messages associant cette opération commerciale à l’esclavage.

Un seul but : « tendre la main »

Des accusations qui ont profondément choqué Didier Guidoni, le directeur du Centre hospitalier de l’ouest guyanais (Chog). Lui ne comprend pas ce débat contre ce que lui juge comme étant un geste d’humanité. Cette opération, selon lui, n’a rien fait de mal, elle participait là encore à motiver et récompenser les prétendants à la lutte contre le virus.

« Quand les gens viennent, ils sont consentants à la vaccination. Et je veux les en remercier, leur adresser un signe de reconnaissance, nous explique Didier Guidoni. On tend la main aux gens. Je ne vois vraiment pas ce qu’on fait de mal. Pour certains, cinq euros ce n’est rien car ils n’en ont pas besoin. Pour d’autres, c’est énorme. Ils ont fait un geste pour eux et la société, nous faisons un geste pour eux. Ni plus ni moins. »

Très ému par l’ampleur de la polémique, et par le renoncement de son partenaire commercial face aux « procès d’intention », le directeur du Chog, interrogé par Radio Péyi, se justifie. Pour lui, « ce n’est pas avec cinq euros, ni cinquante, ni même plus qu’on va convaincre les gens à la vaccination. » C’est en effet en sillonnant les quartiers, les villages, en allant rencontrer et débattre avec les populations, lutter contre les fake-news qui circulent que les équipes du Chog ont réussi à faire monter, ces dernières semaines, la vaccination dans l’ouest. Aujourd’hui, chaque semaine, près de 700 injections sont réalisées dans le centre de vaccination du Chog. Et elles le sont d’ailleurs en musique, car le centre est le seul en Guyane à accueillir les candidats au vaccin avec une ambiance sonore, pour détendre soignants et patients. « Cela concourt à rendre le moment plus agréable, là aussi », conclue Didier Guidoni.