Handicap en Guyane : un cri d’alarme lancé au Sénat pour une prise en charge adaptée

Les tables rondes organisées au Sénat ont permis aux représentants d’établissements et d’institutions en Guyane d’exposer les nombreuses difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. Alexandre Boichon, directeur de l’autonomie à l’ARS (Agence régionale de santé), a rappelé que l’offre actuelle ne permet pas de répondre aux besoins des personnes en situation de handicap :
« Chez les enfants et adolescents, nous comptons seulement 7,6 places pour 1 000 habitants, contre 10,6 dans l’Hexagone. Pour les adultes, c’est encore pire : 4,1 places pour 1 000 habitants en Guyane, contre 10,5 en France métropolitaine. »
Des listes d’attente interminables
Gildas Le Guern, directeur de l’Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés), a illustré l’ampleur du problème :
« Sur l’ensemble des établissements que nous gérons, 80 % des enfants en situation de polyhandicap n’ont pas accès à l’école. Cinquante enfants porteurs de trisomie 21 sont en attente de place. Côtés adultes, 107 personnes, âgées de 20 à 60 ans et diagnostiquées avec une déficience visuelle, attendent une orientation vers un Samsah (service d’accompagnement médico-social), faute de solution. »
Même constat du côté de Blaise Joseph-François, directeur de l’Adapei. « Nous accompagnons environ 750 personnes en situation de handicap, mais nous avons une file d’attente de 950 orientations. Même en doublant nos capacités, nous ne pourrions pas répondre à la demande. »
Sur le plan scolaire, Sylviane Erepmoc, inspectrice de l’Éducation nationale, a mis en avant une nette augmentation des notifications pour accompagnement AESH (accompagnant d'elèves en situation de handicap) et une scolarisation en Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire) :
« Nous étions à 2 228 élèves en 2019. En mars 2024, nous en comptions 2 998. Malheureusement, nous rencontrons encore de nombreuses difficultés pour mettre en œuvre les accompagnements nécessaires. »
Un aménagement du territoire insuffisant
Les intervenants ont insisté sur la concentration des structures dans certaines zones, notamment sur le Centre littoral et dans les Savanes, laissant de vastes régions sans services adaptés. Alexandre Boichon a souligné « la nécessité de développer une offre dans chacun des bassins de vie », tandis que Gildas Le Guern a pointé l’absence de Maison d’accueil spécialisé (MAS) et d’Institut médico-éducatif (IME) dans l’Ouest de la Guyane.
Un handicap encore trop souvent invisible
Enfin, les participants ont rappelé que le handicap, en l’absence de diagnostic ou de structures dans certaines zones, demeure souvent invisible. « Dans certains territoires, l’absence de diagnostic rend le handicap totalement invisible », a alerté Blaise Joseph-François. « Il y a un enjeu de sensibilisation très fort, car cette invisibilité empêche toute réponse politique adaptée », a conclu Alexandre Boichon.
Les échanges sont disponibles en vidéo sur le site du Sénat.