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Le service des urgences de l'hôpital est malade

  • Par: abehary
  • Date:

Les médecins urgentistes de l'hôpital de Cayenne alertent le grand public sur leur situation.

Ils affirment qu'il manque une dizaine de médecins aux urgences du CHAR, ce qui met en péril leurs conditions de travail et la prise en charge des patients. Onze d'entre eux ont rencontré hier soir Rodolphe Alexandre, le président de la CTG, pour l'alerter sur la situation et tenter de trouver des solutions. Pour en parler, Arthur Deroure-Corte, un médecin urgentiste qui a accepté de témoigner :

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez aux urgences ?

Nous nous retrouvons en difficulté par rapport au nombre de médecins. C’est une situation qui dure depuis plusieurs mois voire plusieurs années. L’une des principales conséquences c’est qu’on travaille avec un, deux voire trois médecins en moins aux urgences. Cela augmente la charge de travail de tous les praticiens et c’est une situation qui se chronicise. Nous arrivons à un point de rupture où nous sommes tellement peu qu’on a eu énormément de difficultés à faire le planning de décembre et donc garantir la continuité des soins.

Combien manque-t-il de médecins aujourd’hui ?

Concrètement, plus d’une dizaine. On fonctionne aux alentours de 30 voire 25 médecins, ce qui fait que le temps de travail augmente et on se met en difficulté nous-mêmes.

Quelles sont les conséquences sur vos conditions de travail et sur la santé des patients qui viennent vous voir ?

Elles sont multiples. On ne peut pas offrir le temps nécessaire à quelqu’un quand on est en sous effectif et donc il y a des répercutions sur la prise en charge et une augmentation sur le temps d’attente. L’accompagnement lors des évacuations sanitaires vers la Métropole ou les Antilles ne peuvent pas se faire par nos médecins car ça prends 2 ou 3 jours. Au-delà, il y a un impact sur les missions au SAMU sur tout le territoire guyanais. Il faut gérer en même temps l’accueil aux urgences qui draine 50 000 passages par an dans des conditions difficiles.

Cette situation n’est pas nouvelle, ce manque de médecins était prévisible. Que dit la direction de l’hôpital à ce sujet ?

Nous avons le sentiment qu’il y a un manque d’anticipation puisqu’en avril-mai, il y a eu le départ de médecins pour causes multiples. Nous avons écrit des courriers à l’ARS, au ministère de la Santé, à la direction de l’hôpital. Il y a eu plusieurs rencontres successives mais ça n’a jamais débouché sur des solutions concrètes. C’est toujours des solutions de rattrapage qui bouchent les trous au jour le jour. Entre décembre 2016 et septembre 2017, il y a d’autres urgentistes qui sont venus mais on se retrouve actuellement avec une grande fuite de compétences. On a des médecins guyanais qui ont fait le choix, à contre cœur, de partir des urgences parce que les conditions de travail n’étaient pas satisfaisantes. Par exemple, j’ai un collègue qui après avoir travaillé 24h suivi d’un jour de repos, revient travailler, il retrouve un patient qu’il avait déjà pris en charge il y a deux jours. Il se retrouve honteux vis-à-vis du patient. Il n’est pas capable de regarder la personne dans les yeux.

Que vous répond la direction de l’hôpital après les avoir alerté ?

Les réponses sont du mercenariat médical c’est-à-dire qu’on nous propose des postes d’intérim mais qui ne sont pas des solutions pérennes. Ce sont des solutions à court terme, il n’y a pas de projet sur le long terme.

Ce mardi 28 novembre, il y a eu une rencontre entre Rodolphe Alexandre, le président de la CTG et 11 médecins urgentistes, qu’est qu’il en ressort de cette réunion ?

C’était un temps de partage et d’écoute pour le président de la CTG qui a bien cerné nos problématiques et qui s’est bien rendu compte des conséquences qui pourraient avoir avec ce sous effectif.

Qu’est-ce qu’il peut faire Rodolphe Alexandre pour vous ?

Il peut agir comme un messager, retransmettre au ministère, aux instances compétentes qui pourraient nous venir en aide. C’est quelqu’un avec qui il faut travailler pour ne pas se retrouver dans ce déficit que connait la Guyane aujourd’hui. Les chiffres pour se rendre compte, si on compte que 300 000 habitants en Guyane, il manque 300 médecins généralistes et 300 spécialistes.

Quels sont les solutions qu’on pourrait mettre en place à plus long terme ?

Tout d’abord la formation, il faut qu’un jour les médecins soient des Guyanais, que les étudiants ne partent pas faire leurs études ailleurs pour qu’ils restent ici, qu’ils travaillent ici car le turnover est trop important ici. On n’arrive pas trouver une certaine stabilité dans notre service.

Interview réalisée par Mathilde Romagnan.