Prostitution en Guyane : jusqu’à 3 000 personnes concernées selon un rapport de l’AGAV

Basé sur deux ans d’enquête et plus d’une centaine de témoignages, le rapport de l’AGAV dresse un constat glaçant : la prostitution en Guyane est majoritairement subie, rarement choisie, explique Pauline Mattelon, coordinatrice régionale de l’AGAV et autrice du rapport :
« Quasiment toutes commencent à se prostituer seulement en arrivant en Guyane alors qu’elles ne le faisaient pas dans leur pays d’origine. Elles sont surtout étrangères, sans papiers, souvent isolées et ne peuvent pas travailler légalement en raison de leur situation administrative ».
La majorité sont des femmes (93.9 %), parfois des personnes transgenres (2,6%) mais aussi des jeunes hommes (3,5 %). Les clients sont majoritairement des hommes hétérosexuels.
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Le rapport révèle une prostitution de survie, pratiquée pour de l’argent, qui se déroule dans les rues, les bars, les hôtels de passe, à domicile, les campements d’orpaillage ou sur Internet.
Autre réalité peu évoquée, mais bien présente : des femmes se mettent en couple avec des hommes uniquement pour survivre, en échange d’un logement ou d’un certain confort matériel.
Des violences omniprésentes
Les témoignages recueillis décrivent un quotidien marqué par la violence. « Toutes ont subi des violences, verbales, physiques ou sexuelles », indique Pauline Mattelon :
« Certaines ont été menacées avec des armes, d’autres violées ou forcées à des actes non protégés sous la pression de clients qui paient plus pour ne pas mettre de préservatif ».
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Certaines victimes racontent même que des clients qui récupèrent leur argent après l’acte, illustrant à quel point « ce travail est dangereux, humiliant et contraint ». La quasi-totalité des personnes interrogées affirme vouloir sortir de la prostitution :
« Moi aussi, je veux être comme tout le monde, je veux un travail digne. Je veux arrêter ça », témoigne une prostituée dans l’étude selon l’AGAV.
Internet très utilisé et des jeunes de plus en plus exposés
Autre constat préoccupant : les mineurs ne sont pas épargnés. « La prostitution passe désormais majoritairement par le numérique, via des annonces sur des sites spécialisés, mais aussi sur les réseaux sociaux comme Instagram ou Snapchat », précise la responsable de l’AGAV. Le digital est d'ailleurs devenu le support majoritaire de mise en relation entre les prostituées et les clients.
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Chez les plus jeunes, la perception du consentement et de l’échange sexuel est floue. Certains acceptent des rapports en échange d’objets de valeur (sac, téléphone portable, chaussures). La précarité familiale pousse certains jeunes à accepter des rapports sexuels contre de la nourriture. Une forme de prostitution alimentaire banalisée par la précarité. « J’ai des relations sexuelles gratuites mais si on m’offre quelque chose en plus, c’est tant mieux », avoue une jeune victime.
Recommandations pour un plan d’action
Face à ce constat alarmant, l’AGAV appelle à l’action. Le rapport recommande notamment :
- D’augmenter la capacité d’accueil des structures d’hébergement,
- De former les professionnels au repérage et à l’accompagnement des victimes,
- Et de mettre en place un véritable plan régional de lutte contre la prostitution et la traite humaine.