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Déserts médicaux : la profession plaide pour l’attractivité, pas l’obligation

Alors qu’une proposition de loi visant à contraindre les médecins à s’installer dans les zones sous-dotées est débattue à l’Assemblée nationale, le sujet fait réagir la profession en Guyane. Sur ce territoire déjà fortement touché par la pénurie de soignants, les professionnels de santé et les élus dénoncent une approche coercitive qui risque d’aggraver une situation déjà critique. Le Syndicat des Médecins de Guyane plaide pour des mesures incitatives et une véritable attractivité du territoire.

  • Par: adminradio
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La régulation de l’installation des médecins généralistes revient dans l’actualité avec un texte en discussion à l’Assemblée nationale. Objectif : orienter les jeunes praticiens vers les zones sous-dotées en soins, comme les campagnes métropolitaines… ou la Guyane. Mais sur le terrain, les syndicats dénoncent une mesure contre-productive.

En Guyane, des chiffres alarmants

Pour Christian Rohrbacher, médecin à Matoury et président du Syndicat des Médecins de Guyane, le constat est sans appel : « La Corse a la même population que la Guyane. Ils ont 650 médecins libéraux. Nous, on en a 159 actuellement, dont seulement 98 généralistes. »

Une baisse significative depuis fin 2022, principalement due à des départs en retraite, des raisons de santé ou familiales. Or, le vivier local d’étudiants en médecine ne suffit pas à compenser ces départs : « Très peu de jeunes Guyanais reviennent s’installer. »

L’exemple de Sinnamary : un désert médical concret

Depuis le départ à la retraite du docteur Caut, Sinnamary n’a plus de médecin généraliste. Pourtant, « c’était le plus gros cabinet de Guyane en nombre de consultations », souligne Christian Rohrbacher. Les consultations médicales ont été mises en place par l’ARS et la CTG depuis février 2025 dans les locaux de la Maison Territoriale des Solidarités et de la Santé de Sinnamary. Ces consultations sont assurées par un médecin généraliste du Centre Hospitalier de Kourou.

Mais l’isolement, le manque de services rendent les petites communes peu attractives. Le président du syndicat insiste :

« On ne peut pas envoyer un médecin dans un village sans rien lui proposer. Il faut des mesures attractives, pas des obligations. »

Une inégalité de traitement dénoncée

Autre grief : le manque d’attractivité administrative et fiscale du territoire. « La Guyane est officiellement en zone FRR (France Ruralité Revitalisation), mais ne bénéficie pas des avantages fiscaux qui s’y appliquent ailleurs, comme la défiscalisation totale des revenus pendant 5 ans. »

Cette iniquité est dénoncée par le syndicat, qui affirme avoir interpellé sans succès les autorités locales et nationales : « On a écrit à tout le monde, des élus locaux au Président de la République. »

Une situation sanitaire préoccupante

Le sénateur de Guyane, Georges Patient, a récemment interpellé le gouvernement au Sénat. Il a pointé une situation hospitalière dégradée : pénurie de médecins généralistes et hospitaliers, hôpitaux délabrés, et absence de direction dans les établissements.

Il a proposé des solutions concrètes : création d’une zone franche pour les professionnels de santé et maintien en activité des médecins seniors. En réponse, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a évoqué la transformation en cours du GCS de Guyane en CHU, avec des investissements importants. Mais aucune réponse n’a été apportée à la crise de la démographie médicale.

Un besoin urgent de solutions structurelles

En Guyane, les syndicats de médecins n’ont pas encore appelé à la grève, contrairement à d'autres territoires. Mais l’exaspération monte. Pour Christian Rohrbacher, la solution passe par la revalorisation du territoire :

« Si vous me demandez d’aller travailler deux jours à Iracoubo, je dois louer un local, me déplacer, et laisser mes patients à Matoury. C’est aberrant. »

Plutôt que des obligations, les professionnels de santé demandent des moyens, des incitations, et une réelle volonté politique. Faute de quoi, la régulation de l’installation pourrait bien se heurter à une impasse.