À Cayenne, la halle à marée inaugurée… mais la colère des pêcheurs persiste

Samedi 6 septembre 2025, la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) a inauguré la première halle à marée au Marché Interrégional de Cayenne (MIR). D’un coût de près de 2 millions d’euros, financé par la CTG, cet équipement a vocation à sécuriser et organiser la filière pêche locale.
Contrôle qualité dès le débarquement, paiement garanti sous huit jours, vente à distance possible : la halle doit garantir traçabilité et sécurité sanitaire tout en valorisant la production locale, indique la CTG. À terme, les aquaculteurs pourront également y avoir recours.
« On parle de concurrence à l’illégalité », selon le Comité des pêches
Si la filière salue l’initiative, elle estime qu’elle ne suffira pas à résoudre son problème majeur : la pêche illégale et la vente sauvage. Les côtes guyanaises subissent depuis des années l’action de navires étrangers – brésiliens, surinamais, voire asiatiques – mais aussi d’une flotte locale non déclarée. Résultat : une concurrence déloyale qui menace la survie des pêcheurs professionnels. Léonard Raghnauth, président du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM), alerte :
« Aujourd'hui, un pêcheur n’est plus seulement pêcheur, il doit gérer énormément de paperasse. Et malgré ça, il doit faire face à l’illégalité. Imaginez : on parle de concurrence à l’illégalité ! Il est temps que ça s’arrête. On appelle les autorités à appliquer les textes, en mer comme à terre. Sinon, la structuration de la filière, avec des outils comme la halle à marée, sera bloquée par la vente illégale. »
© E.Cornec - Radio Péyi
Pour les professionnels, l’impact économique est considérable. José Achille, armateur et grossiste, décrit un système bien organisé :
« On a identifié environ une centaine de bateaux qui travaillent tous les jours, avec des personnes en situation irrégulière. Ils ramènent chacun 200 à 300 kilos de poisson, parfois 10 tonnes par jour au total. Certains vendent sur internet, d’autres ont même des TPE pour les paiements, comme des professionnels. Résultat : au MIR, certains jours, une loge peut générer un chiffre d’affaires que de 40 euros. Comment payer les charges et les salariés dans ces conditions ? »
Un appel à la responsabilité des consommateurs
La pêche illégale prospère parce qu’elle trouve des clients. Au-delà des autorités, les pêcheurs demandent aussi aux habitants de Guyane de faire preuve de vigilance au moment d’acheter du poisson. « Tout commence par la pédagogie pour aller vers une consommation responsable », insiste Léonard Raghnauth :
« Les poissons vendus sans glace, dans la rue, dans des brouettes, ne sont pas propres à la consommation. Je demande aux Guyanaises et aux Guyanais de consommer de façon responsable. Il y a des poissonneries, le MIR, des vendeurs légaux. Pour votre santé et pour la survie de la filière, il faut dire non au poisson illégal. »
Mais le dilemme pour les consommateurs est difficile dans un contexte de vie chère : payer un peu plus pour un produit contrôlé et de qualité, ou fermer les yeux sur des pratiques qui détruisent la filière pour des prix plus bas.
Face à cette situation, une délégation de la filière pêche devrait avoir une réunion dans une semaine avec la mairie de Cayenne et la Préfecture. Les pêcheurs demandent des mesures immédiates contre la pêche et la vente illégale.