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Témoignage d'Ernso Beljour, le lycéen d’Anne-Marie Javouhey

  • Par: abehary
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Ce lycéen de 21 ans, en 1ère bac pro commerce, a été placé en rétention au Centre de rétention administrative, le vendredi 13 septembre. Après plusieurs jours de manifestations lycéennes, un avocat soutient que ce jeune homme est bien français.

Libre et français après 19 jours de détention

Ernso Beljour a été libéré ce lundi 1er octobre à 17 heures. C’est lors d’une visite d’un membre de la Cimade au centre de rétention administrative, que Ernso Beljour précise que son père est français. Une information qui devient précieuse pour sa libération. Saisi de l’affaire, Maître Jérôme Gay se procure l’acte de naissance du père. « Mon père qui vit aux Etats-Unis a tout fait pour envoyer les documents », affirme Ernso. Il fait mention d’un décret de naturalisation datant de décembre 1995. Or, le fils Ernso est né le 3 juin 1997. Par application de l’article 18 du Code civil, Ernso Beljour est de nationalité française par l’ascendance de son père.

Ernso savait-il qu’il était français ?

Difficile d’y répondre. Les informations sont plutôt contradictoires. Ernso Beljour savait que son père était français. « Je sais que mon père est français donc je suis français » affirme-t-il. Mais le lycéen, né en Haïti avait fait une demande d’asile sur le territoire français. Entré de manière irrégulière en Guyane en 2016, il y a déposé une demande d’asile, laquelle a fait l’objet d’une décision de rejet de l’OFPRA, décision confirmée par une décision de rejet de la CNDA, en février 2018 (Entré de manière irrégulière en Guyane en 2016, il y a déposé une demande d’asile, laquelle a fait l’objet d’une décision de rejet de l’OFPRA, décision confirmée par une décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile, en février 2018 . On peut alors se demander, pour quelle raison il a entrepris des démarches pour régulariser sa situation et obtenir un titre de séjour en tant qu’étranger, alors même qu’il était Français ? Ernso Beljour était-il français sans le savoir ?

Les services de la préfecture ignoraient cette partie de l’histoire

Selon le préfet de Guyane, Patrice Faure, ce n’est pas à la préfecture de faire ce type de recherches. « Quand une personne se déclare haïtienne, elle n’est pas française. Ce n’est pas à la préfecture d’apporter les papiers d’une personne qui se dit être étrangère », affirme-t-il. Ernso Beljour n’avait pas présenté de document d’identité lors de son interpellation. « Il n’en avait pas parce qu’il ne le savait pas », déclare le préfet. Le préfet de Guyane souligne le travail mené par l’avocat. Cependant, il précise que l’on ne peut pas reprocher à la préfecture de statuer sur un dossier sans documents et ajoute que le cadre de la loi a été respecté. Après la présentation des documents, la préfecture a accepté d'interrompre la démarche d'expulsion.

Pas de rancunes envers les autorités françaises

« Je ne suis pas en colère parce que la loi c’est la loi même si elle peut être dure », déclare Ernso Beljour. Le 13 septembre, il a été interpellé dans le bourg de Matoury par la PAF alors qu’il se rendait au lycée. Quoi qu’il en soit, il n’éprouve pas d’antipathie particulière vis-à-vis d’eux. En rétention, il reconnaît qu’il a été bien traité. « Une femme de ménage est venue nettoyer la salle. Et j’ai eu trois repas par jour. Et je continue à respecter les autorités » précise-t-il.

Un grand merci pour ces camarades

Ernso Beljour avait connaissance de toute l’effervescence qu’il y avait autour de sa situation par le biais de la télévision au centre de rétention. Il sait que certains de ces camarades ont été dispersés par les forces de l'ordre avec des gaz lacrymogènes lors d’une manifestation. Trois lycéens ont été conduits à l'hôpital certains avaient perdu connaissance. Aujourd’hui, il se montre très reconnaissant vis-à-vis d’eux. « Je salue tous mes camarades pour ce qu’ils ont fait. Je remercie tout ceux qui m’ont soutenu quelle que soit leur nationalité », déclare-t-il. Il a également une pensée pour la direction de son établissement et ses professeurs.

Un retour au lycée mais peut-être pas pour tout de suite

Ernso Beljour est confronté aujourd’hui à un autre problème. Il ne peut pas récupérer certains effets personnels oubliés au centre de rétention.  Selon lui, quand il est retourné au centre de rétention, l’accès lui a été refusé car il ne peut pas justifier de son identité. Il lui manque ainsi son carnet scolaire et sa carte de transport. Sans cette dernière, il aura des difficultés à retourner au lycée, lui qui espérait retrouver le chemin de l’école rapidement. Malgré tout, il croit désormais en l’avenir et souhaite concrétiser ses projets. Pour cela, il veut poursuivre sa scolarité sereinement, décrocher des diplômes et travailler en Guyane.

Cet événement intervient alors qu’une procédure spécifique pour les demandes d’asile en Guyane, réduisant les délais, est expérimentée depuis le 3 septembre en Guyane. Ce décret est contesté par la Cimade, la Ligue des droits de l’Homme et le syndicat CGT de l’Ofrpa. Une requête a été déposé par ces associations auprès du Conseil d'Etat. Elle a été rejetté la semaine dernière. Plusieurs arrestations d'élèves sans-papiers avaient déja créé le trouble en Guyane. Le Réseau école sans frontière demande à nouveau de la tolérance face au cas des sans-papiers scolarisés.

(Vous entendrez Ernso Beljour en interview dans nos éditions du mercredi 3 octobre 2018)