Montée des eaux dans les Outre-mer : le CESE appelle à des stratégies d’adaptation différenciées et urgentes

Les territoires ultramarins français, qui concentrent à eux seuls plus de 70 % de l’espace maritime national, subissent déjà de plein fouet les effets du changement climatique. L’élévation du niveau moyen de la mer — mesurée à 0,59 cm en 2024, soit 0,16 cm de ce qui était anticipé — entraîne des conséquences visibles : érosion accélérée des côtes, submersion de terres agricoles, dégradation d’infrastructures essentielles comme les routes, les ports ou les stations d’épuration.
Le rapport du CESE, intitulé « La montée des eaux dans les Outre-mer, quelles stratégies pour s'adapter ? », alerte sur le fait que plusieurs zones urbaines pourraient à terme disparaître. Ces évolutions menacent non seulement l’environnement, mais aussi la sécurité, l’économie et la vie quotidienne de dizaines de milliers de personnes.
Des secteurs d’activité en Outre-mer déjà touchés
Pour mieux comprendre l’ampleur du phénomène, le CESE a mené une enquête auprès d’entreprises installées dans les territoires ultramarins. Les résultats sont sans appel : les secteurs du tourisme, de l’agriculture et des activités portuaires sont déjà affectés. Installations endommagées, baisse d’activité, incertitudes sur les investissements futurs...
Hotel des Roches à Kourou
Le tissu économique local se fragilise. Cette réalité confirme l’urgence d’un changement de paradigme : “adapter les politiques publiques et mobiliser tous les acteurs face à une menace devenue structurelle”, selon le rapport.
Une stratégie d’adaptation fondée sur la connaissance du territoire
L’avis du CESE comporte 14 recommandations regroupées dans une stratégie articulée autour de trois grandes orientations. D’abord, il souligne la nécessité d’un investissement renforcé dans la connaissance scientifique locale. Hélène Sirder, co-rapporteure de l’avis, indique que la diversité des contextes impose des réponses adaptées à chaque territoire :
« Il faut connaître son territoire, non pas globalement mais précisément, commune par commune. En Guyane par exemple, les situations à Awala-Yalimapo, Rémire-Montjoly ou Kourou sont différentes. Les causes varient, même si les effets se ressemblent. Nous appelons à plus de recherche appliquée, à des scientifiques présents sur le terrain, et à une meilleure écoute des experts. »
Plage de Yalimapo
Vers une gouvernance locale renforcée
Le CESE recommande la création d’un référent climat dans chaque préfecture pour coordonner la mise en œuvre des stratégies d’adaptation. Il plaide aussi pour une meilleure intégration des risques de submersion dans les documents d’aménagement du territoire : plans locaux d’urbanisme (PLU), plans de prévention des risques naturels (PPRN), schémas d’aménagement…
Cette harmonisation est essentielle pour permettre aux collectivités locales d’agir efficacement, dans le respect des enjeux environnementaux. Le but est d’éviter les constructions sur des zones exposées, de revoir les règles de construction, et d’anticiper les nécessaires adaptations des infrastructures existantes.
Mobiliser la population et les acteurs économiques
Au-delà des institutions, le CESE insiste sur l’importance d’une mobilisation citoyenne. Il propose d’intensifier les actions d’éducation à l’environnement à travers des programmes comme les aires marines éducatives, les éco-délégués dans les établissements scolaires, ou encore les COP jeunes. L’avis appelle également à renforcer le rôle des chambres consulaires pour accompagner les entreprises locales dans l’adaptation de leurs activités. « L’adaptation n’est plus un choix, c’est une nécessité », rappellent les rapporteurs.
Des témoignages qui illustrent la gravité de la situation
Dans l’hémicycle du CESE, l’intervention de Franck Detcheverry, maire de Miquelon, a marqué les esprits. Son témoignage donne une dimension humaine à une problématique trop souvent perçue comme lointaine ou abstraite. Le maire a expliqué comment son village, situé dans l’archipel d’Amérique du Nord, doit être déplacé à cause de la montée des eaux :
« La mer autour de nous se réchauffe. En septembre, elle était à près de 20 °C, c’est exceptionnel. Les tempêtes, plus fréquentes et plus violentes, nous menacent directement »
La nature comme alliée pour la préservation des ressources et des activités humaines
Pierre-Marie Joseph, co-rapporteur de l’avis du CESE et représentant du bassin Atlantique, insiste sur la protection des écosystèmes naturels comme élément clé de l’adaptation. Il cite l’exemple des mangroves :
« Les palétuviers sont une barrière naturelle contre les houles et les tsunamis. Il faut les protéger, parfois les replanter. Ces milieux permettent aussi de gagner du temps dans le cadre de la montée des eaux, le temps de mettre en œuvre des aménagements plus durables. »
Un rapport adopté à l’unanimité
Ce document de 150 pages, fruit de plusieurs mois de travail et de concertation, a été adopté à l’unanimité par les groupes politiques du CESE. S’il n’a pas de valeur contraignante, “il doit être une base solide de référence pour l’action publique”. Il sera transmis au gouvernement, au Sénat et à l’Assemblée nationale. Objectif : “que la question de l’adaptation des Outre-mer à la montée des eaux devienne une priorité nationale”.