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Une partie du village Kali'na de Yalimapo à nouveau menacée par les fortes marées

Les habitants, impuissants face à la montée des eaux, dénoncent le manque de solutions proposées par la mairie.

  • Par: adminradio
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En début de semaine, les grandes marées ont recouvert la route qui sépare les habitations de la plage de Yalimapo.  Une crue, semblable à celle de 2019, menaçant les maisons les plus proches de l'estran. Ce phénomène d’érosion inquiète les habitants avec la crainte d’un possible déplacement de la population vers l’intérieur des terres. Une hypothèse qui avait été annoncée il y a deux ans suite à un phénomène similaire.  Mais pour la plupart des résidents c’est  : « non » ! Ils espèrent que d’autres solutions soient trouvées. 

Devant la montée de la mer, des habitants impuissants

Josy Joseph vit à Yalimapo. Si elle déplore le peu de réponses institutionnelle, elle opterait pour un endiguement de la côte : 

“Nous sommes délaissés par les institutions, par les autorités. On ne voit rien de concret. Chaque année, on a quelques épisodes de grosses marées et de submersions. Même les touristes, les personnes de l'extérieur peuvent voir lorsqu 'ils viennent sur la plage que la plage recule de plus en plus. Nous, nous habitons sur ce site. Nous ne sommes pas nombreux, c'est vrai. Mais on ne veut pas se déplacer. Il y a des solutions, notamment de réensablement, de rechargement de sable, qui étaient mises en avant par la municipalité.”

 

Plage de Yalimapo, mars 2024 (ABLS - Radio Péyi)

Yalimapo est un village où la pêche est une des activités principales pour les familles. Or, une des solutions proposées par la mairie serait de les délocaliser plus à l’intérieur des terres, du côté de la route. Les habitants refusent de changer de mode de vie, et entendent faire valoir leurs préoccupations, explique Josy Joseph : 

“On a entendu parler de cette relocalisation. Pardon, mais il n'y a aucun habitant qui souhaite déménager sur la route. Quel habitant souhaiterait changer de mode de vie, alors que nous avons la mer en face de nous, où nous allons pêcher ? Et là, se retrouver sur le bord de la route, où ce serait un autre mode d'habitat, nous ne sommes pas d'accord. Parce que c'est là où on a grandi, là où nos enfants grandissent, et là où nos parents, nos grands-parents étaient là auparavant, et nous aimons notre village.” 

Il y a urgence à trouver des solutions durables

Le village kali’na est loin d’être le seul endroit au monde touché par l’érosion côtière. En tout ce sont 864 communes françaises qui sont menacées selon l’ONG France Nature Environnement, parmi elles les grands viviers d’habitation comme Cayenne et Macouria où l’eau est désormais visible depuis la route. Concernant l’érosion littorale, il existe des solutions comme la construction de digues, l’installation d’épis rocheux ou encore le renforcement du sable présent sur les plages. 

Davy, jeune habitant de Yalimapo, souhaiterait que les autorités s’inspirent de ce qui se fait ailleurs : 

“Franchement, moi je pense que les autorités compétentes auraient pu remédier à ce problème depuis très longtemps, depuis des années on a constaté qu’il y avait une érosion. Tout le terrain des Jeux Kali’na est parti, ils auraient pu se remettre en question en lieu de nous faire une petite tranchée pour stopper la mer. Là, la tranchée elle n 'existe plus, l'eau arrive quand même. Je ne sais pas si les politiciens voient ce qui se passe dans les autres pays pour contrer la montée de la mer, en fait. Le meilleur exemple que je connais, c 'était la Hollande. Par exemple Amsterdam, c'est une ville qui vit sous le niveau de la mer. On pourrait s 'en inspirer, quand même.”

Des solutions qui coûtent de l’argent, mais le jeune homme n’est pas optimiste quant aux projections budgétaires qui pourraient être faites :

“Tout ça, ça coûte cher mais à chaque fois qu''il y a de l 'argent qui est investi au pays, le travail n'a jamais fait jusqu 'au bout parce que c'est comme ça que ça fonctionne en Guyane, et surtout dans la Guyane de l'Ouest.”

Une crise naturelle qui demande des solutions durables

Le Yopoto (autorité traditionnelle) de Yalimapo, Daniel William, raconte qu’il y a une cinquantaine d’années les vagues menaçaient déjà les habitations : 

“Ce n’est pas la première fois que je vois ça, c’est la deuxième fois depuis 1963. Les vagues venaient plus haut que ça, ça balayait ici. Les vagues avaient fait un grand canal jusqu’au village (d’Awala). On y pêchait du parassi.”

Du fait de sa géologie, le littoral guyanais est de fait soumis aux variations de son trait de côte mais la dilatation des océans dûe au réchauffement climatique est un facteur aggravant du phénomène, provoquant des grandes marées plus fréquentes et dévastatrices.

Votée en 2021, la loi Climat et Résilience fixe un cadre réglementaire visant à accompagner les collectivités. Elle prévoit notamment de privilégier les solutions douces, comme la préservation des mangroves ou la végétalisation des bandes côtières, barrières naturelles contre l’érosion, lesquelles s’avèrent généralement moins coûteuses que les infrastructures bétonnées. La Commission européenne estime d’ailleurs que les bénéfices économiques de la restauration de la nature seraient huit fois supérieurs à leurs coûts.

Ainsi, le programme Life intégré ARTISAN, financé par l’Union européenne, vise comme son acronyme l’indique à "Accroître la Résilience des Territoires aux changements climatiques par l’Incitation aux Solutions d’Adaptation fondées sur la Nature". Il est doté de 16,7 millions d’euros sur 8 ans (2020-2027). En France, il est piloté par l’Office français de la biodiversité (OFB), et compte parmi ses bénéficiaires la CACL.

Les habitants de la commune d’Awala-Yalimapo demeurent en attente de solutions urgentes. Des réunions de crise ont eu lieu en mairie mais ils déplorent ne pas y être associés. Au niveau maritime, une accalmie est observée depuis mercredi soir. Le littoral est toujours placé sous vigilance jaune pour "vagues-submersions" selon Météo France qui annonce la fin de l'épisode ce vendredi.