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Échec du lancement Vega : pourquoi les satellites ont été perdus

Le lanceur européen Vega, parti de Kourou, a connu un problème de trajectoire. Huit minutes après son décollage, hier soir, la fusée a été déviée puis perdue. Entraînant avec elle deux satellites et les espoirs de nombre de scientifiques européens. Arianespace parle aujourd’hui d’une anomalie lors de la fabrication du lanceur

  • Par: adminradio
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Le décollage avait pourtant bien commencé. Tous les voyants étaient au vert dans la salle de contrôle, la fameuse salle Jupiter du CSG à Kourou. A 22h52, heure de Guyane, le petit lanceur italien mettait les gaz et s’envolait vers l’espace. Avec lui, Vega emportait deux satellites pour les mettre en orbite. Le premier, commandé par l’Agence spatiale européenne et l’Espagne ; le second pour le Cnes, le centre national d’études spatiales.

 

Huit minutes après le décollage, 23h à Kourou, l’engin n’est plus visible depuis le sol. Mais sur les écrans de contrôle, la trajectoire de l’appareil sort de la courbe prévisionnelle. La fusée vient d’être déviée. Les opérateurs font état d’un dysfonctionnement après l’allumage du moteur du quatrième étage. 

Très vite, les visages se figent. Pendant plusieurs dizaines de minutes, pas d’informations. La fusée, elle, continue sa course sur une mauvaise trajectoire. Elle sera bientôt perdue.

Un échec et beaucoup de désarroi

Après minuit, Stéphane Israël prend la parole. « Les nouvelles ne sont pas bonnes, explique-t-il. La mission est perdue. » Dans la nuit, après que l’ESA, l’agence spatiale européenne a radié les satellites, perdus avec le lanceur, les données de la télémesure étaient en cours d’analyse. 

Les premiers éléments sont parvenus à la mi-journée. D’après Arianespace, la cause de l'échec sont bien à imputer aux derniers moteurs de l’appareil. Des problèmes dans leur allumage ont provoqué une dégradation de la trajectoire, et les satellites n'ont pas pu être mis sur la bonne orbite.

Regardez l'intervention de Stéphane Israël, directeur d'Arianespace, près d'une heure et demi après le décollage.

Lors d'une conférence de presse privée, Arianespace a relaté une mauvaise connexion des câbles du système de contrôle. Ces câbles régulent le fonctionnement de la direction de poussée de la dernière étape de lancement. Le problème est donc dû à une « série d’erreurs humaines » et non à un défaut de conception. 

 

Cette conclusion a été obtenue par une analyse approfondie de la télémétrie reçue du lanceur avant de perdre le contact. Le groupe Arainespace assure que dans les prochaines heures et les prochains jours, on en saura plus, notamment sur les conséquences ainsi que sur les causes de cet échec.

Mais déjà des spécialistes estiment probable que le premier lancement du Vega-C soit reporté.

Après l’échec, l’heure des regrets. L’intervention dans la nuit de Stéphane Israël est suivie rapidement d’un communiqué de Jean-Yves Le Gall, président du Cnes, le centre national d’études spatiales. « Cet échec de Vega nous rappelle une fois encore que nous faisons un métier très difficile, où la frontière entre le succès et l’échec est extrêmement ténue. »

15 ans de travail perdus

S’associant au désarroi des équipes, le CNRS rajoute que cet événement « rappelle douloureusement que la conquête spatiale au service de l'observation de la Terre demeure un défi technologique et scientifique permanent. »

En conférence de presse, ce mardi à la mi-journée, les responsables du lancement ont d’abord tenu à présenter leurs excuses aux clients, l’Agence spatiale européenne, le gouvernement espagnol, et le Cnes. « Malheureusement, ce type d’anomalie peut arriver, souffle Stéphane Israël. On reviendra plus forts, et nous serons transparents à 100 % sur les causes de cet événement ».

Deux « bijoux de technologie » perdus

Si l’échec de la mission suscite l’émotion des ingénieurs et des scientifiques, c’est parce que les deux satellites que Vega devait placer en orbite à 700 kilomètres au-dessus de nos têtes, SEOSAT-Ingenio et Taranis, étaient considérés comme deux bijoux de technologie par leurs constructeurs. Ils avaient nécessité pas moins de 15 ans de travail pour les scientifiques. Ce mardi, la presse espagnole se désole de la perte du « plus grand projet jamais entrepris par le secteur spatial » du pays. 

Ingenio, le tout premier satellite d'observation de la Terre espagnol, devait produire des images optiques et multispectrales de territoires émergés. Quotidiennement, le satellite devait prendre des photos, utilisées ensuite pour la cartographie, l'agriculture, la gestion des ressources naturelles, les situations d'urgence et la sécurité. Concrètement, les images devaient permettre une meilleure évaluation des grandes catastrophes naturelles telles que les inondations ou les tremblements de terre pourrait être faite. Le satellite devait également avoir des applications civiles et militaires, comme des opérations de contrôle du territoire, des frontières, ou d'observation des constructions abusives sur le sol.

Le coût total de la mission Ingenio était d'environ 200 millions d’euros. Celui de Taranis, le satellite du Cnes, qui tient son nom du dieu celte du tonnerre et de la foudre, était d’environ 110 millions d’euros.

 

Ce dernier, gros comme une machine à laver, avait été conçu pour observer les phénomènes électromagnétiques radiatifs et lumineux survenant à des altitudes comprises entre 20 et 100 km au-dessus des orages. Le satellite devait rester quatre ans en activité, il avait pour mission d'aider à comprendre le mystère des éclairs qui peuvent parfois gêner la circulation des avions ou provoquer des pannes d’électricité.

Retards et turbulences

Il s'agissait de la deuxième mission de l'année pour Vega. Lundi, son directeur, Mario Fragnito, expliquait que le lanceur avait connu « une année difficile », avec deux lancements contre quatre prévus. Aux phénomènes météo défavorables en Guyane et à l’épidémie de Covid-19, invoqués avant le décollage par le directeur de Vega, s’est ajouté cette nuit un dysfonctionnement technique que les experts doivent maintenant déterminer.

Vega avait aussi connu une défaillance à l'été 2019, qui avait entraîné sa destruction, par précaution.