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L'inclusion des femmes dans les sphères décisionnelles n’est (toujours) pas acquise

Le thème retenu par les Nations Unies pour cette journée du 8 mars 2024 s’articule autour des enjeux de l’autonomisation économique des femmes. L’agence chargée de défendre les droits des femmes dans le monde invitait pour ce jour mondialement connu à “inspirer pour l’inclusion”. Une thématique que nous avons discuté avec une Guyanaise Kali'na qui vit à Montréal et qui œuvre pour l'autonomisation des femmes.

  • Par: adminradio
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Le manque de figures d’identification 

Les chiffres du dernier rapport de la Banque Mondiale “Women, Business and Law” sont alarmants : 2,4 milliards de femmes vivaient en 2023 dans des économies ne leur garantissant pas les mêmes droits que les hommes. La précarité économique des femmes est un sujet de préoccupation pour les observateurs du sujet : emplois informels, charges domestiques non rémunérées, inégalité de salaires, les enjeux de l’autonomisation demeurent aujourd’hui nombreux et source d’insécurité pour de nombreuses femmes dans le monde.

Les actions se multiplient pour soutenir cet aspect du combat pour l’égalité de genre. A Montréal, Startop, un incubateur dédié aux femmes a été créé en 2018 par Mariam Coulibaly. Il vise à aider les bénéficiaires à monter une entreprise à impact social et à développer leur leadership.

Yannice Mɨliyum Therese en est l’ambassadrice. Guyanaise et Kali’na d’Awala, elle pointe du doigt le besoin de représentativité dans les sphères professionnelles auxquelles les femmes se sentent appelées : 

“On a besoin de voir des personnes qui nous ressemblent dans l’entrepreneuriat, même dans l’économie sociale, et qui réussissent. C’est là que Startop s’est positionné. On a créé cet espace là pour que les femmes puissent se sentir écoutées et représentées, et puis avoir des organismes qui nous ressemblent et l’espace pour développer sans se sentir jugées.”

 

L’entreprise sociale a déjà accompagné plus de 1500 femmes depuis sa création et elle continue de grandir en impact. Sa mission : rendre l’entrepreneuriat plus accessible aux femmes et en faire un outil d’épanouissement professionnel afin d’atteindre la parité.

Un beau pari lorsqu’on sait que les femmes sont moins représentées dans l’entrepreneuriat que les hommes (5% d’entreprises établies chez les femmes contre 8% d’hommes selon le Global Entrepreneurship Monitor (2021))
 

Les plafonds de verre persistent

Malgré une conscientisation toujours plus importante des enjeux, l'inclusion du genre féminin reste une notion qui a encore du mal à trouver sa place dans les sphères dirigeantes. En effet, seuls 29% des cadres supérieurs dans le monde sont des femmes et parler même “d’inclusion” ou de “diversité” pour celles qui représentent statistiquement la moitié de la population sur terre laisse penser que le combat est encore loin d’être remporté.

“Quand on parle d’inclusion des femmes, c’est parce qu’on constate que jusqu’à maintenant il y a des disparités entre hommes et femmes dans les sociétés [régies par] la pensée patriarcale occidentale. C’est un combat de tous les jours pour que les femmes puissent être reconnues au même titre que les hommes. Les femmes ont les mêmes compétences et elles doivent pouvoir intégrer assez facilement ces lieux décisionnels et enrichir ces sphères avec leur expertise.” , poursuit Yannice Mɨliyum Therese.

Si le sujet des disparités économiques entre hommes et femmes est aussi important pour la communauté internationale, c’est qu’il pourrait bien détenir des clés de croissance pouvant bénéficier à tous. 

“Les femmes ont le pouvoir de donner un coup de fouet à l'économie mondiale qui bat de l'aile", a déclaré Indermit Gill, économiste en chef du groupe de la Banque mondiale et premier vice-président chargé de l'économie du développement. "Pourtant, partout dans le monde, des lois et des pratiques discriminatoires empêchent les femmes de travailler ou de créer des entreprises sur un pied d'égalité avec les hommes. Combler cet écart permettrait d'augmenter le produit intérieur brut mondial de plus de 20 %, c'est-à-dire de doubler le taux de croissance mondial au cours de la prochaine décennie”, 

La Banque mondiale a ainsi émis des recommandations aux Etats pour encourager des législations favorables au développement économique des femmes. Mais si les barrières sont bien réelles, toutes les sociétés ne comprennent pas le genre de la même façon.

Quelle perception des rapports de genre dans nos sociétés en Guyane ?

A chaque société correspond sa vision des rapports entre individus, que ce soit à travers le genre, l’ascendance, la classe économique, etc. La Guyane, terre multiculturelle, ne fait pas exception à cette diversité de cosmovisions.

Yannice Mɨliyum Therese décrit cette différence de perceptions entre son enfance d’enfant Kali’na à Awala et son éducation occidentale reçue plus tardivement à Paris : 

“J’ai grandi à Awala-Yalimapo jusqu’à mes 10 ans. On a quand même une société assez communautaire, assez égalitaire, où la femme est un grand soutien de la figure patriarcale. Je n’ai pas grandi avec ces notions de disparités entre hommes et femmes. J’ai grandi avec un autre système de pensée. Lorsque je suis arrivée à Paris, là c’est sûr que tu développes d’autres idées, parce que quand tu es une fille, quelque part on va t’attribuer certaines pensées, certaines façons d’agir. C’est vraiment en grandissant à Paris, en France, avec cette société très marquée par le patriarcat, très genrée aussi, de ce que doit être une femme, que c’est venu confronter ce que j’avais toujours connu. Après, il faut savoir naviguer entre tout ça.”

La société guyanaise, fortement marquée par le matriarcat, serait-elle au cœur de questionnements différents quant à la question du sexisme ? Si la figure de la femme “poto mitan” commence à être de plus en plus décriée sur les réseaux sociaux, d’autres voix s’élèvent contre les violences faites aux femmes. 

Les chiffres du ministère de l’Intérieur sont, quant à eux, éloquents : la Guyane est le département où le nombre de violences conjugales est le plus élevé de France, devant la Seine-Saint-Denis et le Nord. Pour 2021, près de 13 femmes pour 1 000 habitantes de 15 à 64 ans y ont été enregistrées par la police comme victimes de violences conjugales.

Des données qui laissent à penser que si les rapports de genre diffèrent selon les sociétés en Guyane, les violences sexistes, elles, demeurent un fléau à combattre; et ce fléau n’a malheureusement plus de frontières.