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Une résolution sur les peuples autochtones adoptée au Congrès des élus de Guyane

Les élus réunis en congrès ce samedi 13 avril ont adopté de justesse, par 30 voix contre 27 et 5 abstentions, une résolution sur la représentation des peuples autochtones au sein de la future collectivité autonome de Guyane.

  • Par: adminradio
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La résolution présentée aux élus de Guyane prévoit la création d'une Assemblée des Hautes Autorités Autochtones de Guyane, permettant d’émettre des avis conformes sur certains sujets. Lors de débats houleux, certains élus ont exprimé leurs divergences sur la question foncière, notamment sur la reconnaissance des terres coutumières et de leur administration mais aussi sur la constitutionnalité du projet dans son ensemble.

Le foncier coutumier, une notion difficile à cerner pour le Congrès

Au-delà du premier point, la définition de l’identité autochtone comme étant relative aux 6 nations ancestralement présentes en Guyane (Parikweneh, Wayampi, Teko, Arowaka, Wayana et Kali’na), la résolution proposée amène le sujet de la définition et de la délimitation des “terres et aires coutumières.”

Le texte précise ainsi que “les terres coutumières et aires coutumières sont sous le régime de de l’inaliénabilité, de l’insaisissabilité, de l’incommutabilité et de l’inaccessibilité et placées sous la gestion exclusive des peuples autochtones. Les terres coutumières et aires coutumières ne peuvent être vendues, ni démembrées, ni hypothéquées.

Devant cette notion, le congrès a demandé en premier lieu une localisation de ces terres, une demande qui émane à la fois de Céline Régis, maire d’Iracoubo dont la commune compte 3 villages Kali’na sous des régimes fonciers différents et d’Isabelle Patient, élue de l’opposition. 

Ce à quoi Jean-Victor Castor, député de la première circonscription, répond en rappelant que l’Etat était actuellement maître de la quasi-totalité du foncier, qu’il administre à travers les Commissions d’Attribution Foncières “quand il veut”, et que dans ce contexte la cartographie reste une prérogative régalienne. Il s’agissait pour lui d’une démarche de réparation, “en mémoire du génocide” des peuples autochones.

Pour rappel, le foncier autochtone est un sujet épineux depuis 2017. Les accords de Guyane prévoient en effet la rétrocession par l’Etat de 400 000 hectares aux peuples autochtones. A ce jour, ce transfert n’a pas encore été enclenché.

Avis conformes : les chefs maitiennent leur volonté

Un autre point a fait réagir les élus du Congrès, c’est la notion d’avis conforme. En effet, la résolution propose la création d’une Assemblée des Hautes Autorités Autochtones de Guyane (AHAAG), capable de s’auto-saisir “sur l’élaboration des lois Péyi impactant directement ou indirectement les peuples autochtones”, précisant que “les avis de l’AHAAG sont des avis conformes dans les domaines qui seront précisés dans la loi organique.”

Pour Rodolphe Alexandre, cette disposition est “illégale”. Le chef de l’opposition a exhorté le congrès à se concentrer sur la reconnaissance de l’identité autochtone sans “aller plus loin”. Le conseiller territorial Jessie Américain a rappelé, quant à lui, que les dispositions du Sénat coutumier bushinengué adopté en Congrès le 2 décembre 2023 avaient été amendées sur la question de l’avis conforme et a réclamé un traitement équitable entre les deux instances de la gouvernance traditionnelle. 

L’avocat Patrick Lingibé a alors suggéré, en concertation avec l’AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage), d’amender la résolution, proposant de remplacer cette notion par celle “d’avis obligatoire et conforme dans certains cas”. 

Cette motion étant déclinée par les autorités autochtones présentes à la CTG, le texte a été présenté en l’état au Congrès et a recueilli 30 voix pour, 27 voix contre et 5 abstentions.

Un sujet sensible au coeur de l’évolution statutaire de la Guyane

Gabriel Serville, le président de la CTG, s’attendait à ce que le sujet soit sensible et suscite des débats tumultueux : 

“Dès la phase de préparation, lorsqu'on a commencé à discuter avec les chefs coutumiers, avec le grand conseil coutumier, j'ai bien compris qu'on était sur une base qui est extrêmement sensible, très particulière, parce que nos amis des populations autochtones se sont inscrits dans une dynamique qui se positionne au niveau national, mais aussi à l 'échelle internationale par rapport aux revendications qu 'ils portent. [...] il fallait également que je prenne en considération la formulation qui émanait des chefs coutumiers, des autorités coutumières et traditionnelles qui avaient un certain nombre de revendications à faire valoir, et je considère que c'était en mon devoir que de pouvoir entendre et de pouvoir leur répondre dans les meilleures conditions possibles.”

Du côté de la gouvernance autochtone, l’écriture de cette résolution ne s’est pas faite sans concessions. Il fallait aller jusqu’au bout de la démarche d'implication des peuples autochtones dans l'évolution statutaire, explique Christophe Pierre, porte-paroles de chefs coutumiers au congrès : 

“On a rencontré plusieurs partis politiques, plusieurs personnalités membres du congrès pour justement faire part et discuter à bâtons rompus. On voit bien que certains s'étaient engagés à voter pour et que finalement ils votent contre. Et on voit bien aussi que si on n 'avait pas fait ça, ça aurait été réglé beaucoup plus rapidement et ça ne serait pas passé. 

Le message qu'on est venus porter, c'est un message de soutien pour l'évolution, un message d'ouverture pour participer beaucoup plus à la construction de ce pays. Et je pense en effet que le positionnement des peuples autochtones a changé aujourd'hui.” 

Un simple changement sur une dénomination dans le texte aurait évité des crispations explique Michel Ange Jérémie, le président de l’Association des maires de Guyane, qui explique avoir voté contre la résolution devant son incapacité à l’amender, mais souhaite poursuivre les discussions avec les autorités autochtones  : 

“Nous avons voté contre le fait que nous n’ayons pas pu amender le texte. Donc nous sommes foncièrement pour, nous sommes foncièrement pour la reconnaissance du peuple autochtone, mais il y avait une phrase qui posait problème, l’avis conforme. [...] Et donc moi, je suis un peu gêné par rapport à l’issue du vote, parce que ça peut créer des tensions entre les édiles et les peuples autochtones. Donc moi, j'ai vraiment demandé qu'on puisse les revoir. ”

Un vote serré a donc clôturé ce dernier congrès des élus. Le projet Guyane dans son ensemble devra maintenant être défendu devant l’Etat, dans une temporalité et selon des modalités qui restent à définir.

 

Revoir le direct du Congrès : https://fb.watch/rsS6c6L8_5/

Les réactions des élus : https://fb.watch/rsS4eP1D7U/

 

Crédits photo : Quentin Furic/Radio Péyi